sophie taeuber

 

En décembre 1915 j’ai rencontré à Zurich Sophie Taeuber qui s’était affranchie de l’art conventionnel.
Déjà en 1915 Sophie Taeuber divise la surface
de ses aquarelles en carrés et rectangles qu’elle juxtapose de façon horizontale et perpendiculaire.
Elle les construit comme un ouvrage de maçonnerie.
Les couleurs sont lumineuses, allant du jaune le plus cru au rouge, ou bleu profond. Dans certaines
de ses compositions elle introduit à différents plans
des figures trapues et massives qui rappellent
celles que plus tard elle façonnera en bois tourné.

 

Jean Arp, Jours effeuillés

biographie

 

1889

Sophie Taeuber naît le 19 janvier à Davos-Platz en Suisse. Son père, pharmacien, meurt en 1891. Sa mère, femme ouverte sur les arts et la société de son temps, décide de déménager dans le canton d'Appenzell.

 

1907-1913

Sophie fait des études à l’école des arts et métiers de Saint-Gall en 1907. Elle fréquente la Lehr -und Versuchs- Ateliers für angewandte und freie Kunst (ateliers d’apprentissage et d’essai pour les arts libres et appliqués) à Munich à partir de 1910, et rejoint l’école des Arts appliqués de Hambourg en 1912. L’enseignement polyvalent que Sophie Taeuber reçoit dans ces écoles progressistes, sensibles aux courants contemporains, est déterminant pour l’orientation de sa carrière.

 

1914

A la fin de ses études, elle s’installe à Zurich, peint des portraits et des natures mortes, réalise des objets (chandeliers, foulards, jouets…). Mais dès l’année suivante, elle renonce aux sujets figuratifs et fait une percée solitaire vers l’abstraction, parallèlement aux mouvements qui naissent à la même époque en Russie (Malévitch), aux Pays-Bas (groupe De Stijl avec Van Dœsburg, Mondrian, et Rietveld) et en Allemagne (avec Johanes Itten). Les compositions verticales-horizontales qu’elle commence à peindre à cette période impressionnent profondément Arp, qu’elle rencontre en 1915.

 

1916

Sophie est nommée professeur à l’École des arts appliqués de Zürich, dont elle dirige la section textile. Mais les années de guerre sont surtout marquées par sa participation active au mouvement Dada. Elle fréquente le Cabaret Voltaire, lieu de naissance du mouvement, et s’y lie d’amitié avec Hugo Ball et les danseuses de von Laban, en particulier avec Mary Wigmann. Elle contribue aux chorégraphies, réalise les costumes et participe aux spectacles de danse. C’est à cette époque qu’elle est l’invitée du cercle de C.G. Jung à Zurich, qu’elle découvre les travaux de l’historien d’art Wilhelm Worringer, et ceux de l’architecte Adolf Loos.

 

1918

Arp et Sophie Taeuber adhèrent au groupe Das Neue Leben (La Nouvelle vie) fondé par Marcel Janco et
Fritz Baumann, dont l’objectif est d’intégrer l’art abstrait dans la vie quotidienne. C’est au cours de cette même année qu’elle sculpte ses premières « Têtes Dada », ainsi que les marionnettes pour le « Roi Cerf », conte satirique adapté de Carlo Gozzi et intégrant ouvertement Dada et la psychanalyse. Ces marionnettes abstraites constituent sa contribution la plus originale au mouvement Dada. Entre 1916 et 1918, Arp et Sophie Taeuber réalisent ensemble des tableaux et textiles orthogonaux, ainsi que des sculptures-récipients en bois tourné.

 

1920

Sophie Taeuber expose avec Das Neue Leben à la Kunsthalle de Berne, à celle de Bâle et au Musée des Arts décoratifs à Zurich. C’est la période des « Rythmes libres » et « Taches quadrangulaires ». Durant les années 1920, elle effectue de nombreux voyages, à Florence et Sienne, qui lui inspireront la série « Paysages de Sienne ». à travers des compositions picturales ou textiles.

A St Moritz, elle réalise en 1921, le mobilier de la villa « Suhaglia » pour ses amis théosophes Aor et Ischa Schwaller.

 

1922

C’est en secret qu’elle épouse Arp à Pura dans le Tessin le 20 octobre. Les voyages s’enchaînent (l’île de Rügen, en mer Baltique, à nouveau l’Italie, Paris, le Tessin).

 

1925

Sophie Taeuber s’installe avec Arp, villa des Fusains, à Montmartre, dans le voisinage de Max Ernst, Joan Mirò, Paul Eluard, René Magritte, Tristan Tzara. C’est l’époque des « Compositions figuratives géométriques ».

 

1926

Le couple part pour Strasbourg, où il doit résider pour obtenir la nationalité française (Sophie Taeuber, Jean Arp et son frère François seront naturalisés français le 20 juillet 1926). Cette même année, Sophie Taeuber entreprend, avec Jean Arp et Theo van Doesburg, la  rénovation de l’Aubette à la demande de la mairie de Strasbourg. Les trois artistes réalisent une œuvre collective sans équivalent dans l’art du XXe siècle. Cette même année, Sophie Taeuber s’était vu confier la décoration de l’appartement d’André Horn (détruite) et de la maison Heimendinger, toujours à Strasbourg.

 

1927

Avec les honoraires perçus sur ces chantiers, les Arp achètent en 1927 un terrain à Meudon-Clamart, sur lequel ils feront construire une maison-atelier, dont Sophie Taeuber conçoit entièrement les plans. A la même époque, elle réalise les « Compositions concrètes » et les « Abstractions constructives ». Elle publie avec Blanche Gauchat un guide d'enseignement pour le dessin textile.

 

1930

Le début des années 1930, marqué par l’avènement du surréalisme, est celui de l’engagement dans les groupes qui défendent l’abstraction. En 1930, Sophie Taeuber devient membre de « Cercle et Carré », créé par Michel Seuphor et Torrès-Garcia, et expose avec les membres du groupe. Période des « Compositions statiques ». Le rythme de la danse est omniprésent dans la création visuelle de Sophie Taeuber.

 

1931

Suite à une exposition au Musée de Lodz, en Pologne, Sophie Taeuber fait don au musée de deux peintures et d'une gouache, qui constituent la première entrée de ses œuvres dans une collection publique.

Sophie participe cette même année à la création d’un nouveau groupement, « Abstraction-Création », avec Auguste Herbin et Georges Vantongerloo. Période des 
« Compositions dynamiques », des « Espaces multiples », des « Formes irrationnelles » dont elle élimine les rigueurs géométriques, n’utilisant plus que le cercle.

 

Au milieu des années 1930, Sophie Taeuber et Arp sont de plus en plus soutenus par des collectionneurs suisses qui leur achètent des œuvres, notamment  Annie et Oskar Müller-Widmann, pour qui Sophie dessine un projet de maison à Bâle en 1932 (non réalisé).

 

1934

Taeuber présente ses derniers travaux dans une exposition collective à la Galerie des Cahiers d'Art à Paris. Son travail est particulièrement remarqué par Jan Brzekowski.

 

1937

Sophie acquiert une notoriété internationale, grâce à l’exposition « Constructivistes » de Georg Schmidt au Kunstmuseum de Bâle où elle expose vingt-quatre œuvres. Elle s’associe au groupe suisse « Allianz » fondé autour de Max Bill et Leo Leuppi.

Sophie Taeuber dirige une nouvelle revue internationale d’art contemporain, « Plastique/Plastic », créée par César Domela. La revue, dont la parution s’interrompt en 1939, constitue un trait d’union entre l’art européen et l’art américain.
Période des « Compositions dans un cercle », des « Lignes d’été », des premiers reliefs, de nouveaux « Duo -dessins» avec Arp.

 

1939

Dans un climat de plus en plus intenable pour les artistes progressistes, Jeanne Bucher consacre au couple Taeuber-Arp une exposition dans sa galerie. En 1940, les deux artistes quittent leur maison de Clamart-Meudon, et finissent par se retrouver dans le sud près de Grasse chez les Magnelli, où les rejoint par la suite Sonia Delaunay, après la mort de son mari. Avec Arp, Magnelli et Sonia Delaunay, elle réalise une série de lithographies, qui seront publiées en album en 1950.

 

1942-1943

Elle rejoint la Suisse avec Jean Arp, espérant pouvoir émigrer plus facilement vers les Etats-Unis, où elle compte désormais des admirateurs fervents.

Elle meurt accidentellement chez Max Bill le 12 janvier 1943, à l’âge de 54 ans, asphyxiée par les émanations d’un poêle à charbon. Sa dernière série d’œuvres -une trentaine de dessins à l’encre de Chine et au crayon- sont des variations autour d’un cercle d’une grande intensité.

 

sophie taeuber, Ascona,1925
© Fondation Arp, Clamart

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